Dans une belle et triste lettre, Wilson Fache, journaliste indépendant belge, prix Albert Londres 2023, rend hommage aux journalistes de Gaza qui couvrent et vivent une guerre pas comme les autres.

Iran Press/Le Monde: Intéressé aux reportages du terrain, plutôt au Moyen-Orient, aux civils, et aux thématiques qui sont liés à la guerre, il a également vécu  en Irak pendant l’offensive de Mossoul contre Daech, également en Afghanistan. Il rend hommage dans sa lettre aux journalistes de Gaza pour leur art de survivre et de couvrir les évolutions sur le terrain malgré des circonstances impossibles.

Lettre aux journalistes de Gaza:

"C’est déjà votre cinquième guerre. On pourrait presque vous soupçonner d’avoir l’habitude, pourtant vous avez compris très rapidement dès les premiers bombardements, que ça ne serait pas une guerre comme les autres.

Quant vous partez en reportage le matin, vous n’êtes pas certains que vous rentrerez chez vous, et si vous survivez et parvenez à rentrer chez vous, c’est peut-être votre famille qui ne sera plus là.

Vos collègues tombent les uns après les autres, et vous commencez à croire que ce n’est pas une coïncidence, vous vous demandez si vous êtes visés.

Quand vous filmez des blessés à l’hôpital, ou les files devant les boulangeries, ou les corps ensevelis dans un charnier, vous reconnaissez des visages.

Nous, derrière nos écrans, nous voyons des corps. Vous, vous voyez un ami, une cousine, un voisin.

Nous, derrière nos écrans, nous voyons des ruines et de la poussière.

Vous, vous voyez l’école où vous avez étudiez et l’hôpital où vos enfants sont nés.

Chaque jour, vous documentez, le crépuscule de votre propre existence, et parce que vous êtes palestiniens, arabes, musulmans, on dit de vous que vous êtes des propagandistes, peut-être même des terroristes.

Les gens qui n’ont aucune éthique doutent de la vôtre.

Mais nous, on vous voit tels que vous êtes, des journalistes qui font un travail inestimable dans des circonstances impossibles."